Vous avez signé un contrat avec une personne qui n'exécute pas ses engagements. Dans ce cas, vous pouvez faire valoir une « exception d'inexécution ». Le point sur la question.
Exception d'inexécution : qu'est-ce que c'est ?
L'article 1217 du Code civil (issu de l'ordonnance portant réforme du droit des obligations du 10 février 2016 et modifié par la loi de ratification de la réforme n° 2018-287 du 20 avril 2018) prévoit 5 sanctions possibles en cas d'inexécution d'un contrat.
La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
L'exception d'inexécution est la pratique qui consiste à suspendre l'exécution totale ou partielle de vos obligations, dès lors que votre cocontractant ne respecte pas ses engagements (Cass. Soc. 31 mai 1956, Bull. Civ. IV, n°503).
Il s'agit, à l'origine, d'une construction jurisprudentielle, consacrée lors de la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, à l'article 1219 du Code civil.
L'article 1220 du Code civil prévoit quant à lui une exception d'inexécution « préventive », qui permet - en amont, bien qu'il n'y ait pas encore d'inexécution avérée - de suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance. Cet article permet, avant tout commencement d'exécution du contrat, de suspendre sa prestation par anticipation, pour permettre d'éviter un préjudice plus important.
Exception d'inexécution : quelles conditions d'application ?
Conditions pour faire valoir une exception d'inexécution
Pour qu'il y ait exception d'inexécution, le contrat doit être synallagmatique, c'est à dire engager les deux parties l'une envers l'autre.
En outre, deux conditions doivent être remplies pour pouvoir refuser d'exécuter une obligation exigible :
- le cocontractant n'exécute pas son obligation à l'échéance ;
- cette inexécution est suffisamment grave.
Cette deuxième condition impose une proportionnalité entre l'inexécution et le moyen de pression utilisé. Si l'exception d'inexécution est utilisée de mauvaise foi, face à une inexécution du cocontractant insignifiante, votre responsabilité contractuelle pourra être engagée pour faute.
Exemple : dans un contrat de bail professionnel, le propriétaire du bien vous concède la jouissance du bien pour votre activité en contrepartie du paiement du loyer. L'exception d'inexécution consiste à cesser le règlement des loyers si le bien devient inutilisable (insalubrité, impossibilité d'y exercer votre activité ou autre).
L'exception d'inexécution « préventive » de l'article 1220 nécessite la réunion de deux conditions :
- un risque d'inexécution manifeste ;
- des conséquences de l'inexécution suffisamment graves.
La suspension du contrat doit en outre être notifiée au cocontractant dans les meilleurs délais.
Exception d'inexécution : quels effets ?
Attention, l'exception d'inexécution ne vous permet pas de cesser d'exécuter le contrat définitivement. Elle constitue une solution temporaire. Les obligations sont suspendues dans l'attente de trancher le litige. Deux solutions s'offrent donc à vous :
- Vous pouvez tenter d'arriver à un accord amiable avec votre cocontractant. L'exécution du contrat reprend alors des deux côtés et le contrat se poursuit. À défaut, il peut être résolu ou résilié d'un commun accord.
- Il vous est également possible de saisir la justice pour forcer l'exécution de la part de votre cocontractant. Le cas échéant, vous pouvez demander la résolution ou la résiliation du contrat, ainsi que des dommages et intérêts.
Dans les deux cas, il convient d'adresser dans un premier temps une lettre de mise en demeure (recommandée avec accusé réception) à votre cocontractant. Ce courrier doit l'enjoindre au respect du contrat et faire valoir votre exception d'inexécution :
- Si une clause résolutoire a été insérée au contrat, il convient de la reproduire dans votre lettre. Si aucune solution ne semble possible, vous pouvez également dénoncer le contrat. (Cass. Civ. 1, 3 février 2004, Bull. Civ. 1, n°27).
- S'il y a finalement procès, le Juge détermine, sans tenir compte de votre demande écrite, le bien-fondé de votre exception d'inexécution.
Quelles sont les limites de l'exception d'inexécution ?
L'exception d'inexécution ne peut pas être utilisée dès lors qu'elle remet en cause des dispositions dites d'ordre public.
C'est le cas, par exemple, du paiement des charges de copropriété.
Exemple : il a été jugé que des copropriétaires, tenus au règlement des charges en vertu des dispositions d'ordre public de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, ne peuvent refuser le paiement de ces charges en arguant de l'inexécution des travaux décidés par l'assemblée générale (Cass. Civ. 3, 19 décembre 2007, Bull. Civ. III, n°227).
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