Mandat apparent

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Juge qui signe un contrat

Vous avez été abusé par une personne dans le cadre d'une vente ou d'une transaction financière. Pour se défendre, la société que cette personne représentait avance qu'elle n'était pas habilitée à engager les démarches effectuées avec vous. Comment riposter ? Cet article fait le point sur le mandat apparent, notion que vous pouvez opposer à l'entreprise qui vous tient de tels propos.

Qu'est-ce que le mandat apparent ?

Le mandat (ou procuration) est un acte par lequel une personne appelée « mandant » donne à une autre, appelée « mandataire », le pouvoir de faire quelque chose pour lui et en son nom (article 1984 du Code civil).

Il s'agit d'un contrat soumis aux conditions habituelles (article 1128 du Code civil) :

  • contenu certain et licite ;
  • consentement libre et éclairé ;
  • capacité de contracter.

Il est régulièrement formé par l'acceptation de la personne désignée (le mandataire). Cette acceptation peut être tacite.

Le mandat apparent est donc construit par la jurisprudence pour protéger les tiers (personnes démarchées par le mandataire) :

  • Il s'agit de considérer qu'un mandat existe lorsque une personne s'est fait passer pour ce qu'elle n'était pas auprès d'un tiers, qui a pu légitimement croire en cette apparence.
  • Ainsi, en soutenant l'existence d'un mandat apparent, une personne peut exiger du « mandant malgré lui » qu'il respecte les engagements pris par le « faux mandataire ».

 

Quelles sont les conditions de reconnaissance du mandat apparent ?

La théorie du mandat apparent a vu le jour grâce à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 décembre 1962 (Cass. Assemblée plénière, 13 décembre 1962, JCP 63, II, 13605).

Bon à savoir : un arrêt rendu par la Cour de Cassation en assemblée plénière est, la majeure partie du temps, une décision importante qui fixe de grands principes.

Cette décision énonce que le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent, même en l'absence de faute de sa part, si la croyance de la victime en l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime.

Cela suppose que les circonstances autorisent cette victime à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs du mandataire.

Exemple : un mandat apparent est caractérisé dès lors qu'une commande est réalisée sur le papier à entête de la société. C'est d'autant plus vrai si celle-ci garde en ses locaux, au moins en partie, le matériel qu'elle a payé (Cass. Civ. 1, 28 juin 2005, JCP 2005, IV, 2887). Le prétendu mandataire d'une société d'assurance a ainsi détourné des fonds au moyen de contrats signés sur le papier à en tête de l'entreprise réputée mandante (Cass. Civ. 1, 8 avril 2010, n° 09-10790).

La Cour de cassation a plus récemment décidé que cette théorie ne trouvait pas application lorsque la loi exige formellement un mandat écrit

Exemple : dans le cas des agents immobiliers, le mandat apparent ne peut pas exister. Cela porterait atteinte aux règles impératives posées par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, qui impose que les conventions conclues avec les personnes physiques ou morales se livrant d'une manière habituelle aux opérations portant sur les biens d'autrui dont, entre autres, la vente d'immeubles, soient rédigées par écrit (Cass. Civ. 1, 31 janvier 2008, Bull. 2008, n° 30).

Mandat apparent : en pratique, comment ça se passe ?

Il peut arriver que la société mandataire ne respecte pas ses engagements même si le mandat apparent est avéré. En d'autres termes, le mandataire prétendu est parti avec votre chèque et vous n'avez pas la contrepartie attendue. Que faire dans ce cas ?

Procédure

Si vous vous êtes engagé par un contrat avec un mandataire apparent et que la société mandante refuse d'exécuter les engagements pris, il vous faut saisir la justice. L'action doit être intentée à la fois contre la société réputée mandant et contre le mandataire prétendu.

Sur le plan civil, quel que soit le montant du litige, le tribunal judiciaire est est l'autorité compétente pour statuer. 

Bon à savoir : l'intervention d'un avocat n'est obligatoire que devant le tribunal de grande instance.

Pour un crédit à la consommation, même si le mandataire n'est qu'apparent, le consommateur peut toujours faire valoir auprès de lui son droit de rétractation légal, s'il a la croyance légitime que celui-ci avait le pouvoir d'engager l'entreprise (Cass. Civ. 1, 12 février 1991, Bull. Civ. 1, n° 62).

Prouver un mandat apparent

Pour faire reconnaître un mandat apparent, la personne lésée doit démontrer qu'elle croyait légitimement aux pouvoirs du mandataire qui s'est présenté à elle.

Les juges retiennent généralement comme éléments d'analyse :

  • les usages d'une profession ;
  • la qualité des parties (professionnels ou non) ;
  • les conditions psychologiques de l'affaire ;
  • la fonction officielle du prétendu mandataire ;
  • la nature de l'acte litigieux, etc.

Bon à savoir : cet examen des circonstances relève de « l'appréciation souveraine des juges du fond ». Cela signifie que les faits sont analysés au cas par cas.

Ces pros peuvent vous aider