Vous avez acheté un bien. Votre vendeur est tenu d'une obligation de délivrance. De quoi s'agit-il exactement ? Le point sur la question.
Définition : obligation de délivrance
Le contrat de vente est régi par deux obligations principales, à charge du vendeur :
- la délivrance du bien objet du contrat ;
- la garantie de la chose vendue.
L'obligation de délivrance est définie par l'article 1604 du Code civil, qui dispose : « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. »
Il s'agit du fait pour le vendeur de remettre la chose matériellement à l'acquéreur et de manière conforme aux prévisions contractuelles.
C'est ce que l'on appelle une « obligation de faire ».
Bon à savoir : le transfert de propriété se fait indépendamment de la délivrance, qui consiste seulement en la mise à disposition de l'acheteur de la chose vendue afin que celui-ci puisse en user, en jouir et disposer.
La délivrance de la chose vendue est une obligation très stricte. Elle porte sur le bien spécifié au contrat. Elle implique la conformité de la chose aux prévisions contractuelles. On parle ainsi d'une obligation de délivrance « conforme » (Cass. Civ. 1, 14 février 1989, Bull. Civ. I, n° 84, p. 54).
Exemple : si une commande porte sur un exemplaire d'ouvrage numéroté, le vendeur qui livre le même ouvrage non numéroté ne remplit pas son obligation de délivrance.
Cela signifie que la chose doit correspondre aux attentes de l'acheteur et à l'usage qu'il en a projeté.
Obligation de délivrance : objet et modalités
L'obligation de délivrance stricto sensu
Elle s'entend de la remise matérielle de la chose, en quantité et qualité attendues. L'obligation de délivrance implique également la délivrance tous les accessoires de la chose (article 1615 du Code civil).
Exemple : la délivrance d'un véhicule implique, pour être parfaite, la remise de sa carte grise.
La charge de la preuve de la délivrance incombe au vendeur (Cass. Civ. 1, 4 juillet 2007, n° 06-12818). Il doit démontrer, pour se libérer, qu'il a remis la chose vendue à la disposition de l'acheteur sous le délai convenu (Cass. Civ. 1, 19 mars 1996, JCP 1996, IV, 1157, Bull. Civ. 1, n° 147).
Bon à savoir : si aucun délai n'est convenu entre les parties, en cas de litige, il appartiendra aux juges du fond de déterminer le délai raisonnable suivant lequel le vendeur aurait dû délivrer la chose (Cass. Com, 12 novembre 2008, n° 07-19676).
Les frais de la délivrance sont à la charge du vendeur, et ce de l'enlèvement à la charge de l'acheteur (sauf clause contractuelle contraire : article 1608 du Code civil).
Le lieu de la délivrance est celui où était la chose au jour de la vente, sauf décision contraire des parties. Les modalités de la délivrance divergent en fonction de la nature d'un bien (meuble ou immeuble).
La délivrance des biens immobiliers est prévue par l'article 1605 du Code civil
Il dispose : « L'obligation de délivrer les immeubles est remplie de la part du vendeur lorsqu'il a remis les clefs, s'il s'agit d'un bâtiment, ou lorsqu'il a remis les titres de propriété. »
Important : dans le cadre de la vente d'une maison d'habitation, l'absence d'un système de chauffage ou le fait que celui-ci soit hors d'état de fonctionner constitue un manquement à l'obligation de délivrance (Cass. 3e civ., 28 février 2018, n° 16-27.650).
La délivrance des biens meubles est pour sa part prévue par l'article 1606 du même code
Libellée en ces termes : « La délivrance des effets mobiliers s'opère soit :
- par la remise de la chose ;
- par la remise des clefs des bâtiments qui les contiennent ;
- même par le seul consentement des parties, si le transport ne peut pas s'en faire au moment de la vente, ou si l'acheteur les avait déjà en son pouvoir à un autre titre. »
S'agissant d'un bien meuble, le vendeur qui remet des marchandises à un transporteur qui les accepte sans réserve remplit son obligation de délivrance (Cass. com. 8 octobre 1996, JCP 96, IV, 2339, Bull. Civ. IV n° 229).
Bon à savoir : la mise en entrepôt de douane ne constitue pas un acte de délivrance libérant le vendeur de son obligation (Cass. Civ. 1, 25 octobre 1978, Bull. Civ. 1, n° 325).
Sur la conformité et son appréciation
La conformité est une correspondance parfaite entre l'objet acheté et reçu, tant du simple point de vue matériel (aspect extérieur) que pour son usage (qualités attendues). Cette question dépend de la qualité des parties en présence et de la prestation en elle-même.
La notion d'acceptation du bien livré est primordiale. Lors de la réception de l'objet, l'acheteur doit pouvoir émettre des « réserves » sur sa conformité.
Ainsi, de manière générale, l'acceptation sans réserve par l'acheteur du bien reçu l'empêche de se prévaloir des seuls défauts apparents de conformité. Le défaut de conformité s'apprécie au regard des éléments techniques connus ou prévisibles au jour de la vente.
La réception sans réserve ni contrôle technique faite par un professionnel (alors que cette expertise était possible immédiatement) constitue une négligence (Cass. Civ. 1, 20 mai 2010, n° 09-10086).
Bon à savoir : la vente internationale de marchandises est régie par une convention spécifique, la convention de Vienne du 11 avril 1980. Elle réunit en une seule obligation les deux obligations principales connues en droit français que sont la garantie des vices cachés et l'obligation de délivrance. Selon cette convention, la conformité est l'identité entre la chose qui doit être délivrée et la chose convenue. Sont mis en cause le type d'objet, la quantité et la qualité de la chose vendue. Les accessoires et l'emballage sont compris.
La délivrance de vente de biens meubles corporels destinés à des consommateurs est régie par les articles L217-1 et suivants du Code de la consommation.
De manière classique, l'article L217-4 de ce code impose au vendeur de livrer un bien conforme au contrat. Il répond des défauts de conformité existants lors de la délivrance.
Il répond également des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité.
Pour être conforme au contrat, le bien doit être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, à défaut :
- correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;
- présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;
- présenter les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.
Bon à savoir : le consommateur est protégé par une durée légale d'apparition des défauts de conformité plus longue que le régime général. En effet, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de 24 mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire. Cette durée est ramenée à 6 mois concernant les biens d'occasion.
On exige de l'acheteur qu'il soit de bonne foi : il ne peut pas contester la conformité en invoquant un défaut qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer lorsqu'il a contracté. Idem si le défaut a son origine dans les matériaux qu'il a lui-même fournis.
Sanctions de l'obligation de délivrance
En cas de manquement à son obligation de défaillance, le vendeur peut voir sa responsabilité engagée.
En premier lieu, si le vendeur ne délivre pas le bien sous les délais convenus de par son seul fait, l'acheteur peut soit :
- demander la résolution de la vente ;
- demander d'être mis en possession de l'objet.
Bon à savoir : une clause contractuelle prévoyant, à l'avantage du vendeur, que les délais de livraison ne sont qu'indicatifs, que le retard ne peut pas donner lieu à dommages et intérêts ou résiliation du contrat et que l'acheteur ne pourra obtenir remboursement des sommes versées que sous 90 jours à compter de l'envoi d'une lettre de mise en demeure, est considérée comme une clause abusive au sens de l'article L132-1 du Code de la consommation (Cass. Civ. 1, 16 juillet 1987, Bull. Civ. I, n° 227).
L'article 1607 du Code civil prévoit la possibilité de condamnation du vendeur à dommages et intérêts en cas de préjudice subi par l'acheteur, du fait du défaut de délivrance.
Bon à savoir : bien entendu, le vendeur n'est pas tenu de délivrer la chose si l'acheteur n'a pas payé le prix et qu'aucun délai de paiement ne lui a été accordé. Il n'est pas non plus tenu de son obligation si l'acquéreur, même bénéficiant d'un délai de paiement, est en faillite.
En matière de droit de la consommation, l'article L217-9 du Code laisse une faculté à l'acheteur qui peut choisir, en cas de défaut de conformité entre la réparation et le remplacement du bien (sauf à ce que ce choix entraîne un coût disproportionné pour le vendeur).
À noter : la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix. Il peut aussi garder le bien et se faire rendre une partie du prix. L'action se prescrit suivant un délai de deux ans à compter de la délivrance du bien.