La réticence dolosive est constituée lorsqu'une partie à un contrat omet volontairement de donner une information qu’elle a l'obligation de délivrer. On parle aussi de dol par réticence.
Cet article revient en détail sur la notion de réticence dolosive et sur son encadrement juridique.
Réticence dolosive : définition
La jurisprudence a très tôt reconnu que la dissimulation volontaire d'une information pouvait constituer un dol.
La réforme du droit des obligations, issue de l’ordonnance du 10 février 2016 et entrée en vigueur en octobre 2016 a introduit la réticence dolosive dans le Code civil à l'article 1137 :
« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ».
La réticence dolosive constitue un dol, c'est-à-dire un vice du consentement qui entraîne la nullité du contrat. La réticence dolosive nécessite la réunion de 3 éléments : une dissimilation intentionnelle, une dissimulation émanant d'un cocontractant et le consentement de la victime.
Dissimulation intentionnelle
Le silence doit constituer une réelle manœuvre mensongère, traduisant la mauvaise foi du cocontractant, même si elle ne traduit pas nécessairement une intention de nuire.
Cette dissimulation porte sur un fait ou une circonstance qui aurait dû être portée à la connaissance du contractant dans le cadre de l'obligation de loyauté ou de bonne foi. Elle peut aussi porter sur un élément entrant dans l'obligation pré-contractuelle d'information.
Bon à savoir : l'existence du dol est déterminée en fonction de la qualité de la victime, âge, degré d'instruction, expérience, etc.
Exemple : lorsque le vendeur d’un bien immobilier n’informe pas l’acquéreur du comportement problématique du voisin de palier (nuisances sonores, dégradation de l’immeuble, usage de stupéfiants, etc.), et alors que l’acquéreur l’a bien informé que la tranquillité était un critère déterminant pour lui, la vente de l’appartement peut être annulée pour réticence dolosive et le montant de la clause pénale n’est pas dû (Cass. 3e civ., 18 avril 2019, n° 17-24.330).
Dissimulation émanant d'un cocontractant
Seul le silence d'une partie au contrat peut être sanctionné. Les non-dits des tiers ne constituent pas un dol.
Exemple : le silence du maire d’une commune qui autorise une construction, tout en sachant qu'un grand complexe commercial sera construit à côté de cette construction, ne constitue pas un dol. En effet, le maire n'est pas partie au contrat de vente du terrain.
Caractère déterminant du consentement de la victime
La dissimulation doit avoir provoqué une erreur qui a eu un rôle déterminant dans le consentement de la victime.
Cela signifie que, sans cette omission, la victime n'aurait pas contracté à ces conditions.
Attention, comme l'a précisé la loi de ratification de la réforme du droit des contrats n° 2018-287 du 20 avril 2018, la réticence dolosive ne porte pas sur l'estimation par le cocontractant de la valeur de la prestation.
Conséquences de la réticence dolosive
La victime d'une réticence dolosive peut se retourner contre son cocontractant de deux façons.
Nullité du contrat
La réticence dolosive constitue un dol, donc un vice du consentement, qui entraîne la nullité du contrat (article 1131 du Code civil). Toutefois, cette nullité est relative. En effet, elle ne peut être invoquée que par la personne lésée, dans les 5 ans suivant la découverte du vice. La nullité étant rétroactive, le contrat est considéré comme n'ayant jamais existé.
Action en responsabilité civile
Par ailleurs, la victime d'une réticence dolosive peut agir en responsabilité civile contre son cocontractant, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil. La faute est constituée par le manquement au devoir pré-contractuel d'information.
Il revient à la victime de prouver que son cocontractant détenait cette information déterminante au moment de la conclusion du contrat, et qu'il l'a intentionnellement cachée. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.
Bon à savoir : entre professionnel et non-professionnel, un manquement à une obligation pré-contractuelle d'information est présumé intentionnel.